Le plastique, le réchauffement climatique, la guerre – et la résistance

La période de Nouvel An 2019 – 2020 sera marquée par ces trois mots-clés et les images correspondantes. Pendant que certains se moquent de Greta ou sont fâchés contre elle, les autres savent que les menaces dont elle parle sont réelles et qu’elles sont les conséquences d’une machinerie financière et économique déchainée dont une certaine Margaret Thatcher avait dit dans les années 80 qu’il n’y avait aucune alternative (TINA – There Is No Alternative). Actuellement, nous sommes de plus en plus nombreux à porter en nous et autour de nous la conviction qu’il n’existe pas une, mais des alternatives, et que c’est maintenant ou jamais.

Ce samedi, 18 janvier, le quotidien Tagesanzeiger dévoile les résultats d’une recherche conduite par l’Université de Newcastle pour le compte du WWF sur le plastique dans notre nourriture: nous avalons par mois 21 grammes de micro plastique. C’est une dose plus que homéopathique et si nous ne sommes pas comme le cerf qu’on a trouvé dans les Grisons avec 6 kilos de plastique dans son estomac, nous sommes néanmoins bel et bien menacés par ce fléau qui traine partout et qui ne se décompose quasi pas.

Comme si cela ne suffisait pas, nous sommes aussi menacés par l’augmentation des températures qui entrainent une fonte des glaces et des glaciers de ce monde, et par un réchauffement de la mer bien plus élevé que supposé jusque-là. Pour ne pas parler du dérèglement de tout ce qui touche à la production de la nourriture et aux habitudes humaines.

La machinerie qui est un facteur majeur de l’omniprésence du plastique et du dérèglement climatique est si chère aux puissants de ce monde – et à une bonne partie de la société occidentale – qu’ils risqueraient la guerre le cas échéant. Les ennemis et les excuses sont faciles à trouver ou à produire, voire à inventer. L’histoire montre bien que les dirigeants politiques et économiques (jusque-là, c’étaient ceux de l’occident colonisateur) deviennent des va-t-en-guerre pour préserver leurs privilèges. Ce ne sont ni les menaces réelles qui planent sur l’humanité, ni la protection des droits humains qui dictent leurs décisions, mais les intérêts des lobbies de la grande machinerie. La preuve, dans les nouvelles quotidiennes. La guerre et sa préparation sont bonnes pour maintenir ou relancer l’économie et pour ce faire, on nous cite l’obligation de l’état de protéger la population. C’est en l’occurence, l’argument en faveur de l’achat des avions de combat. Par contre, lorsque les limites de la pollution, notamment par les oxydes d’azote, sont dépassées depuis des années ou lorsque la 5G menace la santé de nombreuses personnes, on nous dit que c’est inévitable pour des raisons économiques.

Le quatrième mot-clé présent partout depuis Nouvel An (oublions Trump et son Impeachment pour l’instant) est la résistance active ou la désobéissance civile. A Lausanne, un groupe de joyeux jeunes entre dans la succursale du Credit Suisse pour jouer un peu de tennis dans le hall en protestation contre les investissements de la banque dans les énergies fossiles. Credit Suisse porte plainte pour violation de domicile. Mais – cela nous redonne confiance en notre justice – les jeunes sont acquittés par le tribunal. Son raisonnement ressemble quelque peu à celui d’un tribunal Belge en 2015, acquittant sept jeunes qui avaient pénétré dans un bâtiment stratégique nucléaire en 2012 en protestation de l’armement nucléaire et des failles sécuritaires dans le système. Le tribunal disait alors que l’état doit protéger le droit citoyen de résister en cas d’urgence lorsque la sécurité humaine est en danger.

L’année 2020 ne sera sans aucun doute pas plus calme que la précédente. Nous mangerons malheureusement un peu plus de plastique, le réchauffement climatique se poursuivra faute de volonté politique sous l’emprise économique, et la menace d’une guerre – même atomique – restera suspendue au-dessus de nos têtes.

Mais il y a de quoi prendre courage et s’engager avec celles et ceux qui ont déjà trouvé le courage: un mouvement croissant, créatif, non-violent, joyeux, jeune pour la plupart, très motivé et sans généraux, se fera entendre sans toujours faire l’unanimité, mais dans la conviction qu’un autre monde est possible. Non, ce n’est pas une religion, si religion il y a, c’est celle de la croissance illimitée et de la main invisible qui est supposée maîtriser les marchés. C’est une communauté très diverse et peu organisée. Martin Luther King, qui aurait fêté son 91e anniversaire la semaine passée, disait que dans cette communauté de résistance (the Beloved Community) se trouvent les ressources pour résister et, en même temps, se trouver dans la bienveillance des uns pour les autres.

Si le courage peut être nourri de la sainte colère, la bienveillance, elle, sera nourrie par l’amour. Sans amour pas de communauté. Sans communauté pas de résistance efficace et crédible. La règle suprême d’une telle communauté, c’est l’amour. Sans elle, la résistance reste une farce au meilleur des cas, et devient violence dans le pire.

J’ose penser que le corps du Christ aujourd’hui n’est pas que dans les églises et cathédrales, mais aussi dans cette communauté, aussi diverse, contradictoire et imparfaite soit-elle. Car la vérité et la justice y sont.

Hansuli Gerber

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