Gustavo Gutierrez et la libération

Les grands quotidiens, tout comme les revues religieuses du monde entier, ont commenté la vie de Gustavo Gutierrez à l’occasion de son décès, en la qualifiant de marquante. Michael E Lee dans America l’a décrit comme « le prophète qui a révolutionné la théologie catholique pour les pauvres ». Mais Gutierrez a trouvé un écho bien au-delà de l’Église catholique. Son livre Une théologie de la libération a été aussi durable que controversé. Dès son plus jeune âge, Gutierrez se demandait : Comment dire aux pauvres « Dieu t’aime » ?

Gutierrez avait étudié en Europe à la fin des années 50, où l’on distinguait les sphères naturelles et surnaturelles. C’était pourtant une époque où le monde commençait à percevoir les mécanismes et les liens entre colonisation, injustice, violence et pauvreté. En Suisse, par exemple, Rudolf Strahm publia le manuel graphique Pourquoi sont-ils si pauvres? Gutierrez, qui connaissait la pauvreté de première main et avait souffert dans sa jeunesse de la poliomyélite et de ses séquelles, s’intéressa à une nouvelle théologie, attentive au contexte et à la spiritualité. La théologie n’est pas neutre, et pour Gutierrez, elle prend position et se range du côté des pauvres, qui ne sont pas seulement pauvres, mais aspirent à la libération. Plus tard, ce fut Jürgen Moltmann qui affirma : le Dieu biblique est un Dieu qui libère.

Avec son livre Théologie de la libération, paru au début des années 70, Gutierrez devint un pionnier pour la pensée et l’action théologiques, qui interrogent les causes et les liens de la pauvreté, de l’injustice et de la violence, fondées sur les prophètes bibliques. La rédemption n’est alors pas seulement une question de salut personnel de l’âme, comme l’enseignaient non seulement les catéchismes catholiques, mais aussi protestants et évangéliques, mais une affaire de relation et de dépendances sociales et économiques : relation entre l’homme et Dieu, et entre les hommes. La plénitude du salut est sans doute une espérance future, mais elle doit commencer dans le présent.

On pourrait affirmer que Gustavo Gurierrez a en quelque sorte libéré la théologie. Rédemption et libération sont synonymes ; ainsi, la solidarité devient un acte de grâce divine, et l’engagement pour la justice et la libération une expression du Royaume de Dieu.

Si tu lis l’anglais, l’article de Michael E. Lee dans America est disponible ici

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