Le mensonge, sport démocratique!

Ce titre d’une chronique parue dans LE COURRIER du 27.09.2016 sous la rubrique « Géopolitiques » et signée Guy Mettan* (voir plus bas), directeur du Club suisse de la presse, a déclenché une interrogation quant à ma manière d’aborder le sujet dans ma vie ! Notre quotidien est envahi par des paroles orientées, des demi-vérités et autres mensonges plus ou moins moins camouflés, et ce ne sont ni la pub, ni la ”communication” dont nous gratifient certains médias et autres partis plus ou moins politiques qui convaincront du contraire. Le chroniqueur évoqué fait « remarquer que les démocraties étaient encore davantage portées sur le mensonge que les dictatures. Pour une raison simple: elles doivent convaincre une opinion publique souvent rétive que les guerres qu’elles veulent mener sont justifiées. »* Mettan poursuit en signalant que le mensonge s’étend comme une maladie : « Cette perversion éthique s’est généralisée à tous les niveaux de la société… », que l’on pense au sport (dopage), aux populismes grandissants (promesses contradictoires), et j’en passe, de vraies et de fausses vérités. J’ai tenté de préciser ma réflexion quant à une compréhension plus globale du mensonge et de la vérité.

Quelques reflets de mon questionnement

  • Moi aussi, je pratique la plaie du mensonge-évitement, c’est vrai ! Je sais bien tourner la tête pour ne pas voir ce qui dérange, ce qui blesse, et surtout ce qui pourrait m’amener à m’engager un peu, à quitter ma zone de confort !
  • Ma tendance à refuser la confrontation par veulerie pseudo-pacifisme relève bien plus du manque de courage que d’une réelle volonté d’apaisement ; et la véracité dans tout ça ?
  • Mes semi-vérités paraissent (presque) crédibles lorsque je pratique la critique alentours, en colportant sans scrupule des affirmations-bateaux…
  • Et que dire de mes convictions, de mes professions de foi figées ? Dans presque tous les domaines, je me tiens renseigné ; mes mises à jour fonctionnent bien dans les registres technologiques, politiques, sociétaux…mais j’en oublie trop souvent le dépoussiérage de mes convictions religieuses et spirituelles. Il est vrai que l’actualisation de ma foi pourrait s’avérer décapante, pour moi, et, peut-être pour d’autres ! Alors, autant me taire – ce qui manque cruellement d’authenticité, je l’avoue…

Des pistes de réflexion? J’en ai glanées d’intéressantes au détour de mes pérégrinations.

  • D’abord, la notion de vérité a plusieurs sens (cf Frédéric de Conink « Agir, travailler, militer – une théologie de l’action », Excelsis 2016). Le mot vérité, fréquemment employé dans l’évangile de Jean, n’a pas la même signification selon qu’il s’agit du grec ou de l’hébreu. Alors que le monde hellénique parle d’une vérité ultime, en quelque sorte non-atteignable pour les humains que nous sommes, l’hébreu rend compte de variantes de traduction plus ouvertes et donc plus accessibles ; vérité-fidélité, fiabilité, solidité, fermeté. Cette manière de présenter la vérité est très concrète : « la foi, la fidélité et la vérité sont, en hébreu, la même chose […]. Il existe par ailleurs une expression consacrée : ” la bonté et la fidélité ”, qui associe de manière privilégiée, tendresse et vérité, ou amour et fidélité […] » (de Conink, p 359).
  • Cette description d’une authenticité ancrée dans le concret me séduit: vérité-tendresse, sincérité délicate, fragile certainement, mais bien vivante et réelle. Je peux m’en inspirer dans mes contacts, mes échanges, mes conflits intra- et interpersonnels ! C’est une manière différente et concrète de dépasser le dualisme présent dans mes schémas de pensée (juste-faux…) pour ouvrir ma vision, l’adoucir tout en l’élargissant jusqu’à atteindre l’amour inconditionnel qui me transforme en profondeur.
  • Une compréhension renouvelée de la vérité me permet de rester veillant, attentif face aux discours racoleurs, extrêmistes et souvent simplificateurs qui nous interpellent ; elle me donne des outils pour mieux discerner ce qui restaure, réjouit, ouvre en confiance, apporte un plus de vitalité dans mon quotidien.
  • A partir de ce socle de confiance, je peux rejoindre le théologien J. Zink (in Erfahrung mit Gott, Kreuzverlag 1975, S 163, traduction ad hoc) qui écrivait : « La vérité est le reflet de la lumière divine sur le visage d’un humain entrant dans l’obscurité avec assurance. « Je suis la vérité », dit Jésus. Et croire, ce n’est pas tant savoir la vérité, mais bien plus être de la vérité. La vérité est à l’oeuvre lorsqu’il est offert à une personne de mettre malgré tout sa confiance en ce Dieu se reflétant dans le Christ Jésus. Embrasser la vérité, c’est exercer la foi en Jésus-Christ. »

Il reste du grain à moudre pour des engagements sociaux, politiques, spirituels vivifiants, afin que la vérité-fraternité puisse en sortir renforcée dans notre monde souvent désespérant, qui a tant besoin du pain reconstituant et nourrissant des projets de tendresse, de paix, d’écoute, de pardon… En route, dès avant Noël !

Charles-André Broglie, ca.broglie@gmail.com, décembre 2016

Vers l’article de Guy Mettan dans Le Courrier du 27.9.2016

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Pas étonnant, dit Dieu, que notre histoire soit tissée de rendez-vous manqués ! 

Vous m’attendez dans la toute-puissance et je vous espère dans la fragilité d’une naissance ! 

Vous me cherchez dans les étoiles du ciel et je vous rencontre dans les visages des peuples de la terre ! 

Vous me voulez comme réponse et je me tiens dans le bruissement de vos questions ! 

Vous me façonnez à votre image et je vous surprends dans le dénuement d’un regard d’enfant ! 

Mais, dit Dieu, sous les pavés de vos errances, un temps de tendresse se prépare où je vous attends comme la nuit attend le jour. 

Francine Carrillo, extrait d’un texte tiré de  » Traces Vives, paroles liturgiques pour notre Temps « , Labor et Fides